Jeudi 10 octobre 2024, le Conseil des ministres présentait le projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025). Ce projet prévoit l’ensemble des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’année à venir, un budget est ainsi dégagé. Ces dernières semaines, la présentation du PLF 2025 était redoutée par le secteur maritime qui craignait la fin de la taxe au tonnage. En effet, celle-ci avait été accordée spécialement aux entreprises de transport maritime, elle base leur taux d’imposition sur le tonnage net de leurs navires soit leur capacité, plutôt que sur leur bénéfice réel et donc leurs résultats financiers. Ce système de taxation figure à l’article 209-0 B du code général des impôts, il est applicable aux sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés dont le chiffre d’affaires provient pour au moins 75% de l’exploitation de navires armés au commerce.
Cette taxe est un véritable point fort pour inciter les armateurs à battre pavillon Français, elle est d’ailleurs appliquée dans de nombreux pays notamment 22 de l’Union européenne. C’est un point fort pour l’Etat français qui dispose du deuxième domaine maritime mondial. Alors pourquoi la Cour des Comptes a remis ce régime en question ? La réponse figure dans les bénéfices records des armateurs français, particulièrement de la CMA-CGM, troisième transporteur mondial de marchandises suite à la crise du covid 19. La taxation au tonnage leur avait fait profiter d’une fiscalité très faible sur des gains très élevés. Cependant cela est à relativiser, puisque les nombreuses crises géopolitiques ont entre temps donné du fil à retordre à un secteur caractérisé par le risque de mer et de lourds investissements financiers. Cette taxe, en plus d’être vue comme une niche fiscale pour les grands armateurs est perçue comme encourageante d’un secteur polluant. Toutefois, les investissements sont aussi considérables pour décarboniser le commerce maritime dont l’on ne pourra pas se défaire de si tôt. Ce coût est estimé à 30 milliards d’euros par an jusqu’en 2050.
L’enjeu du PLF 2025 est alors pour partie celui de la souveraineté de la marine marchande française. Le dynamisme du secteur maritime serait alors compromis par la décision de mettre fin à la taxe au tonnage alors qu’il est porteur d’emplois pour l’avenir et participe au rayonnement de la France à l’international.
Suite à cela les grands noms du secteur maritime français ont rédigé une tribune le 22 juin dernier dans le Journal du Dimanche. Ils “alertent sur les conséquences stratégiques, économiques et sociales” des choix faits dans les mois à venir, ils justifient cette taxe qui “répond aux contraintes spécifiques d’une filière qui exige des investissements massifs et reste soumise aux aléas internationaux” comme “en témoignent les nombreuses années de pertes abyssales qu’a connues le secteur”.
Alors, que nous dit le PLF pour 2025 ? Dans son article 12, il prévoit dans un titre de faire participer les plus grandes entreprises au redressement des comptes publics. Une contribution est alors prévue pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard d’euros. Puis une taxe exceptionnelle est introduite spécialement pour le secteur du transport maritime en complément de la taxe au tonnage. Cette dernière serait donc maintenue par le gouvernement Barnier. La taxe exceptionnelle annoncée quand a elle ne concernerait alors que la société CMA-CGM car elle s’appliquerait sur les entreprises de transport maritime avec un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard d’euros. La taxation porterait sur la part du résultat d’exploitation correspondant aux opérations du fret maritime soit un taux de 9% pour le 1er exercice puis de 5,5% pour le second. Sur l’année 2025, l’exécutif espère en tirer 500 millions d’euros.
Les différents partis se sont prononcés concernant le PLF 2025 proposé jeudi dernier, on comptabilise 1854 amendements dans le cadre de l’examen de la 1ère partie du projet en commission des finances de l’Assemblée nationale. Le groupe Écologiste et Social suivi de la France Insoumise et du Parti Socialiste sont ceux qui ont proposé les principales modifications de l’article 12. De l’autre côté de l’échiquier politique, le Rassemblement national propose un rehaussement des taux appliqués sur le résultat d’exploitation à 18% pour le 1er exercice puis de 11% pour le second. Le Parti Renaissance a proposé un amendement concernant la mise en place d’un chiffre d’affaires plafond au-delà duquel les entreprises de fret maritime seraient assujetties à l’IS et non plus à la taxe au tonnage.
La taxe au tonnage est donc pour le moment sauve, mais les différents amendements maintiennent les inquiétudes des armateurs.
Sources journalistiques :
– Journal de la marine marchande https://www.actu-transport-logistique.fr/journal-de-la-marine-marchande/shipping/taxation-au-tonnage-un-regime-fiscal-derogatoire-injustement-taxe-de-privilege-913338.php
– Le Marin-Ouest France https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/la-taxe-au-tonnage-sauvee-mais-une-contribution-exceptionnelle-sur-les-benefices-creee-pour-deux-ans-a59f59ea-8717-11ef-b49e-ab2f8fa8efa0
– Revue Conflits
– TEMA, Actu Transport Logistique
Projet de loi de finance pour 2025 du 10/10/2024 :
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Rédigé par Romane Poubelle
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