Crédit photo : Sea Shepherd

⚓️ Qui est Paul Watson ?

Paul Watson est un militant écologiste canadien, connu pour ses actions audacieuses en faveur de la protection des océans. Cofondateur de Greenpeace, il a toutefois été désavoué par l’organisation en raison de ses méthodes jugées agressives. En 1977, il fonde Sea Shepherd, une association à but non lucratif qui passe à l’action pour défendre, protéger et préserver les océans du monde entier.

Il a mené de nombreuses opérations contre la chasse illégale des baleines, s’opposant aux baleiniers russes, japonais et norvégiens. Son combat s’étend également à la protection des thons rouges, des dauphins, des phoques et de nombreuses autres espèces. En résumé, Paul Watson consacre sa vie à la défense des océans et des espèces menacées.

Le 21 juillet 2024, il est arrêté par les autorités Groenlandaises alors qu’il faisait escale à Nuuk pour ravitailler son navire. Son arrestation s’est faite sur la base d’une notice rouge d’Interpol émise par le Japon. Après trois demandes de remise en liberté refusées, le Tribunal de Nuuk a confirmé son maintien en détention jusqu’au 23 octobre 2024, dans l’attente d’une décision du Ministère de la Justice danoise sur la demande d’extradition déposée par les autorités japonaises, pays où il risque une peine d’emprisonnement à perpétuité.

🐋Le Japon et la chasse à la baleine :

La Convention de Washington, signée le 2 décembre 1946, a conduit à la création de la Commission baleinière internationale (CBI), chargée de réguler la chasse à la baleine. La Commission définit des quotas de chasse par pays. Les conventions internationales, comme celle-ci, n’ont un caractère contraignant que pour les États signataires. En l’espèce, le Japon, qui a rejoint la CBI en 1951, est également soumis à ces quotas.

En 1986, la CBI instaure un moratoire interdisant la chasse commerciale à la baleine. Toutefois, cette interdiction ne s’applique pas aux activités menées dans le cadre de programme de recherche scientifique. Le Japon accepte ce moratoire en 1987.

Le pays affirme qu’il étudie les migrations et les habitudes alimentaires des populations de baleines, lui permettant ainsi de pêcher ces animaux en toute légalité. Cependant, le Japon commercialise la viande de baleine, se fondant sur une disposition de la Convention qui prévoit qu’une baleine tuée pour la recherche scientifique ne doit pas être perdue, et peut donc légalement être commercialisée. Pour certains, cette pratique respecte la législation ; pour d’autres, il s’agit d’une utilisation abusive de la législation pour leur propre profit.

Le 31 mars 2014, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a rendu un arrêt à la suite d’une plainte déposée par l’Australie, visant à faire cesser la chasse à la baleine pratiquée par le Japon dans l’Antarctique, pour non-respect des obligations découlant de la CBI.

La CIJ a conclu que le programme japonais de recherche scientifique, qui impliquait la mise à mort, la capture et le traitement de cétacés, n’était pas raisonnable au regard des objectifs de recherche annoncés. Autrement dit, la Cour a jugé que la chasse à la baleine dans l’Antarctique ne pouvait plus être justifiée par des motifs de recherche scientifique.

En conséquence, la CIJ a ordonné au Japon de cesser toute activité de mise à mort de baleines dans cette région. Le Japon s’est conformé à cette décision pendant une saison avant de reprendre la chasse dans l’Antarctique en 2016, en violation de l’arrêt de la Cour.

En 2018, après que sa proposition de réguler, et non d’interdire, la chasse à la baleine a été rejetée, le Japon décide de se retirer de la CBI.

Aujourd’hui, trois États pratiquent encore la chasse à la baleine : le Japon, la Norvège et l’Islande. Ces pays sont autorisés à chasser légalement dans leurs eaux nationales, toutefois, le Japon étend son terrain de chasse dans l’Océan Pacifique Nord.

🏴☠️ Le passif entre Sea Shepherd et les baleiniers japonais :

Aucune institution ni aucun État ne mène d’actions pour lutter contre la chasse à la baleine clandestine. Sea Shepherd vient pallier cette défaillance en réunissant des volontaires qui risquent leur vie dans cette lutte.

Entre 2002 et 2014 Sea Shepherd a mené 10 campagnes de lutte contre la chasse à la baleine dans l’océan Austral. Ces opérations consistent à harceler les baleiniers en les poursuivants, en bloquant leurs hélices à l’aide de cordes et en jetant des boules puantes et glissantes sur leurs ponts.

OPÉRATION MIGALOO 2007-2008

L’opération Migaloo est l’une des actions les plus marquantes de Sea Shepherd, en grande partie grâce à son retentissement médiatique. L’objectif était d’empêcher le baleinier japonais Yushin Maru II de chasser des baleines dans l’océan Austral. Pour ce faire, Paul Watson et son équipe ont pris la décision audacieuse de faire monter à bord du baleinier deux membres de leur équipage, dont un citoyen australien.

Une fois à bord, les deux membres ont été retenus dans une cabine, ce qui a permis à Paul Watson de contacter les autorités australiennes en affirmant qu’un de leurs ressortissants était pris en otage sur un baleinier japonais dans leurs eaux nationales. Cet incident a déclenché plusieurs jours de négociations entre l’Australie et le Japon. Finalement, les deux hommes ont été libérés sains et saufs. L’impact médiatique a été considérable, permettant de rallier un grand nombre de soutiens à la cause de Sea Shepherd.

OPÉRATION WALTZIG MATILDA 2009-2010

Lors de cette campagne, l’équipe de Sea Shepherd disposait de plusieurs navires. Au cours de l’opération, l’un de ces navires a été violemment éperonné et coupé en deux par un baleinier japonais. Le capitaine du navire détruit, Peter Bethune, a alors pris la décision, malgré les conseils de Watson, de monter à bord du baleinier pour confronter le capitaine. Capturé, il a ensuite été emmené au Japon.

Une fois sur place, Bethune a signé un accord avec les autorités japonaises, affirmant que Paul Watson lui avait donné l’ordre d’aborder le navire et d’attaquer les baleiniers. Ces accusations ont conduit le Japon à inculper Watson pour « conspiration de violation d’espace ». Bien que Bethune ait plus tard reconnu que ses déclarations étaient fausses, elles ont servi de base au Japon pour émettre des notices rouges contre Paul Watson.

OPÉRATION TOLERANCE ZERO 2012-2013

Avant le début de l’opération, le Japon a obtenu de la Cour suprême des États-Unis une injonction interdisant aux navires de Sea Shepherd de s’approcher à moins de 500 mètres de tout baleinier japonais. Cette décision a également interdit à Paul Watson d’exercer le rôle de capitaine de navire et empêché Sea Shepherd USA de financer la campagne. Malgré ces obstacles juridiques, Sea Shepherd a lancé l’opération avec succès, obligeant les baleiniers japonais à fuir, et ceux-ci n’ont réalisé que 10 % de leur quota.

🚨Les notices rouges d’Interpol : C’est quoi ? Quelle valeur juridique ?

Une notice rouge d’Interpol est un avis de recherche international émis par l’Organisation internationale de police criminelle à la demande d’un pays membre. Elle sert à demander la localisation et l’arrestation provisoire d’une personne recherchée pour extradition ou poursuites judiciaires. Il ne s’agit pas un mandat d’arrêt international, mais plutôt d’une alerte qui informe les pays membres qu’une personne est recherchée et invite à collaborer pour la localiser. Ainsi, la notice ne crée pas d’obligations légales contraignantes pour les États membres.

En 2017, dans sa Résolution 2161, le Parlement européen a dénoncé l’utilisation abusive des notices rouges. Certains États ont été accusés de détourner l’usage des notices rouges pour persécuter leurs opposants politiques. Ainsi, en 2012, Paul Watson est visé par deux notices rouges, émises à l’initiative du Japon et du Costa Rica. Elles ont toutes deux expiré.

Une notice rouge est réapparue en juin 2024, peu après la mise en activité d’un baleinier, le Kangei-Maru, d’une valeur de 46,5 millions d’euros par le Japon.

🇫🇴 Depuis 2010, Sea Shepherd mène les opérations Grind Stop et Ferocious Isles pour lutter contre la chasse des globicéphales noirs aux îles Féroé. Le Grindadráp, une tradition culturelle, se déroule chaque été sur l’île. Au cours de cet événement, les Féroïens rabattent les animaux vers les côtes, les tirent sur le rivage et les tuent à l’aide de couteaux. Pour contrer cette pratique, l’organisation est présente sur l’île pour sensibiliser le public et explorer des moyens de protéger les globicéphales contre la chasse.

C’est quoi le rapport entre les îles Féroé et l’arrestation de Paul Watson au Groenland ?

Les îles Féroé, tout comme le Groenland, sont des territoires sous la souveraineté du Danemark. Sea Shepherd et Paul Watson n’étant pas très appréciés par les Féroïens, il est évident que l’arrestation de Paul Watson au Groenland revêt une dimension stratégique.

⚖️ La détention de Paul Watson, ou la rencontre des intérêts politiques danois et japonais :

Paul Watson a fait trois demandes de remise en liberté, la dernière ayant été refusée par le Tribunal de Nuuk le 2 octobre 2024. Le Tribunal prolonge systématiquement sa détention, une décision contestable, notamment en raison de l’absence de traducteur, ce qui va à l’encontre du droit danois. De plus, la procureure refuse d’examiner les preuves et les documents soumis par Watson.

Cette dernière considère que l’utilisation de bombes puantes lors des confrontations avec les baleiniers japonais constitue une attaque avec intention de blesser. Cependant, selon la loi groenlandaise, cet acte ne justifie en aucun cas une peine de plusieurs mois d’emprisonnement. En ce qui concerne les accusations d’abordage et de dégradation d’un filet, celles-ci ne peuvent entraîner qu’une amende. Cela invalide donc la demande d’extradition vers le Japon et démontre que la détention prolongée de Paul Watson est totalement disproportionnée.

Ce procès met en lumière plusieurs aspects qui remettent en question à la fois le système judiciaire groenlandais et l’impartialité des acteurs impliqués, à travers des irrégularités dans la procédure, le traitement des preuves et la détention de Paul Watson.

🪼Rédaction et présentation : Rachel Garcia

🔗 Sources :

Sur les opérations de Sea Shepherd :
WATSON Paul, Moi, capitaine Paul Watson, pirate des océans, Glénat jeunesse
ESSEMLALI Lamya, Paul Watson, le combat d’une vie, Harper Collins.
https://www.seashepherdglobal.org/latest-news/whale-defense-campaign-history/
Sur la règlementation et l’interdiction de la chasse à la baleine :
https://cetajournal.net/fr/japon-quitter-la-cbi-sans-perdre-la-face/
https://histoire-environnement.org/Convention-internationale-pour-la-reglementation-de-la-chasse-a-la-baleine
https://www.icj-cij.org/fr/affaire/148
Sur les notices Interpol :
https://www.lelanceur.fr/le-fondateur-de-sea-shepherd-fiche-depuis-cinq-ans-par-interpol/
https://www.interpol.int/fr/Notre-action/Notices/Notices-rouges
Sur l’arrestation et la détention de Paul Watson :
https://www.outside.fr/vive-polemique-suite-a-larrestation-au-groenland-de-paul-watson-le-fondateur-de-sea-shepherd/
https://www.neptunespirates.uk/post/paul-watson-s-legal-team-demands-fair-trial-as-extradition-looms?mc_cid=40c4b4e20e&mc_eid=UNIQID
https://reporterre.net/Paul-Watson-le-recit-d-une-frenesie-judiciaire-et-mediatique
https://seashepherd.fr/

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